Programme définitif


Battant d’une des portes du
sanctuaire
de gNas-chung.
Deuxième moitié du XIXe siecle .
Etat 1979 (cl. Gilles Béguin)

CHAIRE D’HISTOIRE DU MONDE INDIEN

Professeur Gérard FUSSMAN

COLLOQUE DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE POUR L’ÉTUDE DES CIVILISATIONS
DE L’HIMALAYA ET DE L’ASIE CENTRALE (SEECHAC)

LA CRÉATION ARTISTIQUE FACE AUX CONTRAINTES
POLITIQUES ET RELIGIEUSES
DE L’HIMÂLAYA À L’ASIE CENTRALE DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS

27-28 avril 2009

Collège de France
11, Place Marcelin Berthelot – 75005 Paris

Remerciements au Collège de France et à L’Institut de France sans qui ce colloque
ne pourrait avoir lieu.

Lundi 27 avril 2009

9h00 — Gérard FUSSMAN : Introduction

9h15 — Philip DENWOOD, SOAS, Londres, U.K.

Inscriptions et autres témoignages au sujet des dates de fondation et de reconsécration des temples d’Alchi, Ladakh.

La fondation du temple Sumtsek d’Alchi est datée par Goepper de c. 1200, initialement sur la base des représentations d’une lignée Drigungpa, peinte au second étage, accompagnée d’inscriptions. Il y a plusieurs endroits dans le Sumstek où des inscriptions ont été oblitérées, et, dans certains cas, réinscrites. Je crois pouvoir montrer que c’est ce qui est arrivé dans le cas des peintures et des inscriptions en question. Les preuves viennent de : a) la paléographie, le style et l’orthographe de ces inscriptions et leurs rapports avec d’autres inscriptions d’Alchi ; b) le style des peintures elles-mêmes.

J’en conclus que cette peinture murale est un faux assez grossier des Drigungpas et de leurs patrons exécuté au moins un siècle après la fondation du temple au 11ème siècle.

9h50 — Marjo ALAFOUZO, Londres, U.K.

L’iconographie et le contexte historique de la scène de banquet dans le Dukhang à Alchi, Ladakh

Je m’interrogerai sur l’iconographie de la peinture murale profane connue comme « la scène de banquet royal » dans le Dukhang, ou salle d’assemblée, (c.1050 AD) d’Alchi, Ladakh. Le Dukhang est le plus ancien temple du complexe d’Alchi et on ne sait pas grand-chose de sa fondation faute de sources écrites pour la région. L’interprétation iconographique de cette peinture me permet de suggérer un arrière-plan historique pour le temple et les environs d’Alchi. L’analyse utilisera comme matériaux de comparaison des éléments (par exemple du Tibet, d’Asie centrale) qui démontreront que l’iconographie de cette peinture murale n’est pas tibétaine. En conséquence, les représentations artistiques du temple ont été exécutées sous un patronat étranger, qui est aussi dépeint dans la scène de banquet. Je termine en proposant une origine ethnique pour les commanditaires d’Alchi.

10h45 — Matthew KAPSTEIN, EPHE, Paris

L’oracle et le Temple de Lamo-tchok au XVIIIe siècle
au Tibet

L’histoire du petit temple de Lamo-tchok, à l’est de Lhasa, remonte au début de la « deuxième diffusion » du bouddhisme au Tibet durant le 10ème siècle de notre ère. Sa célébrité fut tardive, suivant l’installation à Lamo-tchok de l’un des oracles principaux du Tibet central, Tsangpa Karpo, le « Brahma blanc. » Malgré l’incertitude à propos de la datation de cette mutation du temple en siège oraculaire, on sait que c’est sous le « roi » du Tibet Polhané, pendant la première moitié du 18ème siècle, que l’oracle de Lamo a commencer à jouer un rôle clé dans l’ordre réligio-politique de l’état tibétain.Dans la conférence ici proposée, on considéra le temple de Lamo aujourd’hui, où on trouve encore les peintures murales du 18ème siècle, exemple remarquable du panthéon des divinités protectrices du Tibet.

11h30 — Nathalie BAZIN, Musée Guimet, Paris

Influences politico-religieuses dans les représentations
peintes du royaume de Shambhala, au Tibet

Alors que les images du Kalacakra, « La Roue du Temps », et de son mandala se multiplient dans l’art du Tibet au cours des siècles suivant l’introduction du tantra dans le pays lors de la « Seconde Diffusion » du bouddhisme, les représentations du royaume de Shambhala, consacré à ce dieu tutélaire majeur du Vajrayana, ainsi celles de la Bataille qui sera menée à la fin du kāli yuga par le dernier de ses rois, s’épanouissent dans la peinture tibétaine à une période relativement tardive, c »est-à-dire essentiellement aux XVIIIè et XIXè siècles. Nous proposons, après un rappel de l’origine indienne et hindoue du mythe, d’évoquer ces images de Shambhala, en mettant plus particulièrement en évidence le rôle politique et religieux joué par l’ordre des Gelugpas, notamment les Dalai lamas et Panchen lamas, dans le développement artistique du thème, ainsi que la place qu’ils occupent au sein des représentations elles-mêmes.

14h00 — Marta SERNESI, Università  di Roma La Sapienza, Italie

Le patronage de Tsong kha pa par les Phag mo gru
pa et le début de l’imprimerie au Tibet d’après un
texte illustré de la Collection Tucci

L’imprimé portant le numéro 1359 dans la Collection Tucci (IsIAO, Rome) est un exemplaire unique qui nous est inconnu par ailleurs. Il s’agit d’un manuel d’enseignement des six doctrines (yoga) de Nāropa par le vingt-neuvième abbé de gDan sa mthil, sPyan snga Nyer gnyis pa bSod nams rgyal mtshan dpal bzang po (1386-1434). L’auteur était le neveu de Phag mo gru Tai situ Byang chub rgyal mtshan et le frère de Grags pa rgyal mtshan (1374-1432), lequel régna sur le Tibet central de 1385 à 1432 et fut le grand patron de Tsong kha pa ainsi que le financeur des impressions les plus anciennes du Tibet central.

Le texte de la Collection Tucci appartient très probablement à cet ensemble d’impressions produites dans ce moment particulier de l’histoire tibétaine. Il est illustré par une magnifique série de portraits des maîtres de la lignée de l’auteur. On trouve en particulier figurés, dans les vignettes placées de part et d’autre du folio 8a, respectivement Tsong kha pa et le cinquième Karma pa, tous deux enseignants de l’auteur et représentants des groupes liés au clan régnant. Peu après la mort de Grags pa rgyal mthsan, une dissension naquit parmi les disciples de ces deux maîtres qui allait dégénérer cinquante ans plus tard en une véritable guerre entre ces partis. L’imprimé représente donc un témoignage remarquable d’une unité religieuse et politique déterminante pour l’histoire du Tibet central et l’histoire textuelle tibétaine.

14h45 — Cameron David WARNER, Dickinson College,
Carlisle, USA

Au sujet des répliques de la statue de Sakyamuni au Jowo de Lhassa

Malgré la prépondérance des statues couronnées de style Pāla dans le nord-est de l’Inde, au Népal et au Tibet, une première enquête montre une augmentation spectaculaire de la popularité des bouddhas couronnés vus comme des répliques du Sakyamuni de Jowo, après son couronnement par Tsongkhapa en 1409. Dans certains cas, de nouvelles images ont été fondues, dans d’autres cas, des couronnes ont simplement été posées sur des statues existantes. Au milieu du 20ème siècle, les répliques couronnées du Jowo sont devenues si populaires que Gendun Chomphel remarque sarcastiquement « c’est presque comme si les couronnes sont considérées comme un autre membre sans lequel le Bouddha serait incomplet ». Les sources de cet exposé vont inclure l’édition du Sikkim du Rgyal rtse ob o dbu rgyan gyi dkar chag par Blo bzang btsan ‘dzin dpal ‘byo ainsi que des témoignages visuels de la pratique fréquente d’un programme iconographique où une réplique du Jowo côtoie une statue de Tsongkhapa dans les monastères convertis au contrôle Gelugpa au Khams et en Amdo.

15h45 — Deborah SOMMER, Gettysburg College, USA

Confucius au Tibet

Confucius aurait voyagé au Tibet, en tout cas on pourrait le penser à en juger par les images narratives qui dépeignent Confucius et ses rencontres avec des adeptes du Bon. Des thangkas du 18ème siècle et des gravures sur bois des confins orientaux du Tibet montrent Confucius construisant des temples avec l’aide d’une personnalité religieuse Bon, Tonpa Shenrab. Mais comment Confucius est-il arrivé au Tibet ? Et pourquoi travaille-t-il avec des adeptes du Bon ? Cet exposé explore les sources historiques et folkloriques chinoises qui permettent d’éclairer l’iconographie complexe de ces représentations inhabituelles de Confucius, qui sont un mélange intriguant des croyances religieuses de plusieurs cultures vivant côte à côte dans ce qui est aujourd’hui le nord-ouest de la province du Sichuan.

16h30 — Will TULADHAR-DOUGLAS, University of Aberdeen, U.K.

Au sujet d’une variations iconographique de Ganesha dans la vallée de Kathmandu et de ses raisons

Les Newars disent que Ganesha monte une musaraigne et non un rat. Ceci est clairement reflété par l’iconographie de Ganesha dans la vallée de Kathmandu et de communautés plus distantes telles que Trishuli. Les Newars éviteront, si possible, de tuer une musaraigne et la considèrent comme un élément écologique urbain important au même titre que les hirondelles ou les mangoustes. D’autres Népalais ou des étrangers semblent inconscients du programme iconographique marqué qui les confronte dans des temples d’importance majeure de la vallée. Même le catalogue du Musée de Patan hésite à nommer ce qu’il montre si clairement. Cette distinction date d’avant l’occupation de la Vallée de Kathmandu, au 18ème siècle, par la dynastie Shah. Alors que ce marqueur ethnique subtil mais précis a son usage aujourd’hui (agissant, par exemple, comme un test de tradition pour identifier les Newars qui se ont assimilés à la culture dominante de langue népalaise) je vais rechercher les origines de cette pratique très particulière des représentations de Ganesha et essayer de comprendre comment elle est jouée, décrite et comprise par les Newars contemporains.

17h15 — Nathalie GYATSO, La Réunion, texte lu par
Françoise Robin

La peinture contemporaine à Lhassa, ou le refus des contraintes

C’est bien à des ‘contraintes’ religieuses et politiques que l’artiste tibétain s’est soumis tout au long de son histoire. L’art sacré des thangkas répondant à des règles iconométriques et iconographiques fut aussi un art qui, par delà  l’intemporel des textes religieux, dû se plier à l’alternance de la suprématie des écoles du bouddhisme tibétain. C’est ce que nous évoquerons brièvement dans un premier temps.

Nous développerons plus longuement, car c’est ce qui fait l’objet de notre recherche, et ce qui est le plus méconnu, comment la foi de l’artiste tibétain a su se confronter au pouvoir communiste chinois depuis les années 50. Nous nous demanderons si cette foi qui apparaît comme la composante essentielle de l’identité tibétaine, est toujours lisible dans l’Å“uvre des artistes de Lhassa d’aujourd’hui, ceux qui nés sous la Révolution Culturelle n’ont pas connu le Tibet des Dalaï lamas.

18h00 — Marialaura Di MATTIA-POLICHETTI, Università  di Roma
La Sapienza, Italie

Un itinéraire dans l’art et l’architecture du Tibet occidental

Au début du 10ème siècle l’Himalaya occidental devient le théātre d’un phénomène d’irradiation culturelle de grande envergure : la « seconde diffusion du Bouddhisme » (bsTan pa phyi dar). En particulier, c’est au début de la seconde diffusion que les commanditaires tibétains choisissent de s’inspirer de sources philosophiques indiennes. En conséquence, une fois de plus, l’histoire voit les courants stylistiques et iconographiques de l’Inde bouddhiste arriver sur les hauteurs de l’Himalaya. La rencontre entre le monde tibétain et le bouddhisme indien mena à la création d’un style indo-tibétain beau et riche, associant temples, mChod rten et monastères sur toute la confédération de ces nouveaux royaumes occidentaux tibétains, le mNga’ ris skor gsum. Comme hypothèse de travail nous essaierons de reconstruire un itinéraire possible suivant une route indiquée par les anciens monuments bouddhistes du Kinnaur, Spiti, Lahul et Ladakh.

18h45 — Fin de la première journée


Fête de Gésar. Machen 2002 (AMDO)
(Cl. K. Buffetrille)
Mardi 28 avril 2009

9h15 — Henri-Paul FRANCFORT, Directeur de Recherche
au CNRS, Paris
Figures imposées et figures libres dans les arts de
l’Asie centrale à l’āge du bronze

Il s’agirait : 1) de montrer en parallèle de l’art monumental, de l’art mobilier et de l’art rupestre des oasis et des steppes centrasiatiques ; 2) de tracer les grandes lignes d’une histoire et l’ébauche d’une sociologie de ces arts anciens dans le contexte de ceux de l’ancien Orient ; 3) de s’interroger, d’un point de vue théorique, sur la place des contraintes politiques et religieuses par rapports aux autres déterminants de la fabrication artistique et aux possibles libertés des artistes.

10h00 — Frantz GRENET, Directeur de recherches au CNRS, Paris

Nouvelles données iconographiques sur le
protocole royal de l’Iran préislamique

Pendant longtemps on ne connaissait pratiquement, en fait de représentations d’audiences royales iraniennes, que les reliefs de Persépolis. Sous la dynastie sassanide les reliefs rupestres et les plats d’or et d’argent, productions généralement très contrôlées par le pouvoir, figurent parfois des scènes d’audience, mais d’une manière très elliptique qui ne permet pas véritablement de comparaison avec les détails transmis par les textes d’époque islamique.

Ces années de nouveaux documents ont surgi ou ont été réinterprétés : une peinture sur toile figurant vraisemblablement le roi kouchan Huvishka (vers 150-191) remettant l’investiture à son héritier ; une peinture murale de Samarkand, vers 660, représentant l’audience du Nouvel An dans un contexte de spéculations astrologiques ; des peintures murales au palais de Kazakli-yatkan, première capitale du Khorezm (1er s. av. n.è.), figurant des dignitaires attendant l’audience, dans une architecture en corridors concentriques qu’on est tenté de rapprocher de certaines descriptions des textes anciens (description symbolique des enceintes d’Ecbatane chez Hérodote, descriptions du protocole iranien d’Alexandre, puis de certains détails des audiences du roi sassanide Khosrow Anôshervān).

11h00 — Monika ZIN, Université de Münich, Allemagne

Le Manichéisme sur la Route de la Soie bouddhiste

L’expansion rapide du Manichéisme à travers l’Asie en a fait un mouvement transrégional et a permis une large répartition de ses doctrines ainsi que l’absorption des idées nouvelles rencontrées. Après être passé par le monde persan, le manichéisme a atteint l’Asie centrale bouddhiste où son caractère hétérogène lui a permis de s’approprier l’hagiographie du Bouddha et d’utiliser les viharas bouddhistes à ses propres fins. Alors qu’il disparaissait en occident, le Manichéisme connut son plus haut niveau en Asie centrale et fut reconnu comme religion d’état dans le royaume Ouïghour de Turfan. Ce changement marque le début d’une création artistique prolifique qui est attestée dans les sites bouddhistes de Sengim, Toyoq ou Bezeklik, et qui était dirigée contre la majorité bouddhiste existante.

11h45 — Laure FEUGÈRE, Musée Guimet, Paris

Portraits de donateurs et un aspect de Kshitigarbha
à Dunhuang, après l’occupation tibétaine

Les IX, X et XIIes siècles furent des époques troublées à Dunhuang. Après l’occupation tibétaine (787 – 848), Zhang Yichao se rebella, délivra le pays et forma un district militaire atteignant Turfan et dont Dunhang était le quartier général. Pendant plus de deux cents ans, deux familles se partagèrent le pouvoir, d’abord les Zhang puis les Cao (un peu avant 935 jusqu’à  1014 ou plus tard). De bonnes relations s’établirent avec le royaume de Khotan et le Khanat Ouïghour de Khocho dont la capitale était Idikut- shari. Des mariages furent arrangés entre la famille Cao et le Qaghan. Quelle influence eurent les Ouïghours sur le plan artistique ? Elle semble avoir été très importante au Xe siècle et les peintures rapportées par Stein et Pelliot en portent le témoignage, non seulement dans les portraits des donateurs qui figurent dans les bannières et les peintures murales, mais aussi sur les représentations de Kshitigarbha, ou du roi gardien (Vaishravana traversant les mers), ainsi que dans les grottes de Dunhuang.

14h15 — David Neil SCHMID, North Carolina State University, USA

Encore de la lumière sur les Six Voies: à propos de
représentations des destinées (gati) à Dunhuang

On considère généralement que le cosmos bouddhique chinois médiéval est toujours conçu comme composé de cinq ou six voies de renaissance selon la présence ou l’absence du royaume des Asuras ou dieux guerriers. Dans cet exposé, je démontre qu’un modèle alternatif domine la documentation textuelle et matérielle à partir du milieu de l’époque Tang. Un examen détaillé des documents écrits et des représentations de Dunhuang et Kizil (de même que du Sichuan, Ningxia et Henan) révèle qu’au 8ème siècle le chemin des bouddhas (fo daoä½›é?“) devient interchangeable avec le chemin des êtres célestes (天é?“) et mêlée de notions de Terre Pure. Ici, la distinction entre les Cinq Voies et les Six Voies n’a rien à voir avec la présence ou l’absence de la Voie des Asuras mais tout à voir avec une relocalisation de la moralité et de l’émancipation : les Cinq Voies sont mauvaises (wu e dao五惡é?“) alors que la sixième Voies mène au salut, de cette façon il y a toujours Cinq et Six Voies. Devenir un Bouddha en suivant la sixième Voie implique une transformation corporelle comme tout processus transmigratoire, mais sa destination est transcendante et sotériologiquement définitive : la renaissance dans la Terre Pure. De plus, une analyse détaillée de ces représentations et leur comparaison avec les textes plus anciens et la documentation archéologique à partir du 1er siècle de notre ère indique que ce paradigme n’est en aucun cas nouveau mais est plutôt une extension d’un modèle sotériologique plus ancien. Je conclus cet exposé en démontrant qu’en fait ces textes et images, de Kizil au Henan, maintiennent une continuité avec une compréhension plus ancienne de la Sukhāvatī comme l’étape finale des bodhisattvabhūmi. Les aspects de ce modèle alternatif sont en fait continuellement présents comme substrat sotériologique mais obscurcis avec le temps par des développements scolastiques et des programmes sectaires.

15h00 — Paola VERGARA CAFFARELLI, Université de Gênes

Les créations artistiques de l’Eglise d’Orient
confrontées à des contraintes politiques et
religieuses en Asie centrale, du VIeau XIVe siècle

L’Eglise d’Orient, nommée aussi chaldéenne et assyrienne, appellée en Occident nestorienne et en Chine Jingjiao, a son centre dans la Perse et la Mésopotamie, siège du Patriarcat. Dès son début la création artistique de cette Eglise utilise de préferénce des anciens modèles locaux, assyro-babiloniens, unis avec un éclectisme particulier aux symboles chrétiens. Les Chaldéens, persécutés en Occident et condamnés comme hérétiques au Concile d’Ephèse (431), vont se repandre en nombreux pays d’Asie et notamment dans l’Asie centrale et orientale (VIe – XIVe siècles), où ils créent des oeuvres d’art d’un éclectisme étonnant, qui est le fruit de la rencontre entre leurs traditions et les politiques et les religions locales.

16h00 Massimiliano A. POLICHETTI, Museo Nazionale d’Arte
Orientale ‘Giuseppe Tucci’ – Rome, Italie

Le Dragon (druk) dans la symbolique Himalayenne

« Existant partout, sauf dans la nature », le dragon est un signe approprié pour le phénomène de connaissance moi/autre : l’ « esprit » (citta/sems) analysé et décrit par le buddhadharma comme le seul élément de réalité capable de se représenter soi-même de façon inhérente comme inexistant, et comme tel, capable de s’étendre au-delà  de lui-même, se dilatant dans l’espace jusqu’à  ce qu’il soit entièrement contenu. Le vol du dragon devient alors un symbole inextricable de l’esprit, qui avec sa capacité à se dilater, même de façon abstraite, au travers de tout l’univers, fait allusion de manière très subtile aux aspects inhérents de la divinité dans l’homme.

Comme image formelle, le dragon est particulièrement adapté aux recherches iconographiques, prédisposé aux différents niveaux de lecture rendus possibles, voire garantis, par le commerce entre l’Orient et l’Occident, par le fertile entrecroisement des communications tissé par le réseau de voies, vieux de plusieurs siècles, traversant l’Eurasie et qui, depuis le 19ème siècle, est appelé « Route de la Soie ». Des illustrations graphiques de ces concepts ont voyagé le long des routes caravanières à travers toute l’Asie centrale sous forme de décor sur des brocards de soie, et comme symboles de chance.

16h45 — Nathalie GAUTHARD, Université de Nice

Les danses rituelles tibétaines de l’exil à l’épreuve
de la mondialisation

Certains monastères tibétains de l’exil se sont engagés dans la représentation de danses rituelles sur les scènes internationales. À destination d’un large public, elles ont pour objectif d’exposer et de promouvoir leurs traditions religieuses, de financer leurs institutions monastiques et de sensibiliser l’opinion à la « cause tibétaine. Cette exportation souligne le dynamisme d’une nouvelle forme de création artistique mêlant rituels religieux et arts du spectacle. En exposant le processus créatif présidant au désir d’exportation, cette communication soulignera le dynamisme artistique produit par les monastères de l’exil (Népal, Inde).

17h30 — Isabelle HENRION-DOURCY, Université Laval, Canada
Le théātre tibétain en République populaire de
Chine : stratégies de préservation, d’hybridation
et de reconnaissance patrimoniale.

Le 20 août 2008, les organisateurs des Jeux Olympiques de Pékin ont convié la nation, ainsi que leurs hôtes étrangers, à assister à un spectacle très médiatisé et à plusieurs égards symbolique, quelques mois à peine après le soulèvement des communautés tibétaines dans l’ouest du pays : une pièce traditionnelle de théātre tibétain, renommée Wencheng Kongjo, illustrant le mariage historique d’un empereur tibétain et d’une princesse chinoise au VIIe siècle. Le mariage, emblème forcé de la soi-disant ancienne union politique des deux peuples, était aussi, cette fois, esthétique : par volonté délibérée d’hybridisation artistique, le spectacle mêlait acteurs tibétains et chinois jouant avec leurs propres techniques théātrales et dans leur langue.

Cette initiative répondait aux multiples tentatives des autorités culturelles locales à Lhasa, depuis cinq ans, de faire reconnaître au patrimoine immatériel de l’humanité la forme traditionnelle de ce théātre, l’ache lhamo. Cette stratégie a d’ailleurs soulevé d’importants débats relatifs à l’efficacité de ce type de préservation culturelle.

Mon intervention mettra en relation les stratégies des divers acteurs culturels de l’ache lhamo contemporain (locaux, nationaux et internationaux ; politiques, touristiques et économiques) et examinera la manière dont les catégories de folklore et de patrimoine culturel sont chaque fois redéfinies à la lumière d’interprétations variables de l’authenticité culturelle.

18h15 — Lara MACONI, INALCO, Paris

Du « culte de la poésie » au militantisme littéraire.
Le parcours littéraire, spirituel et politique de
‘Od zer, écrivaine tibétaine d’expression chinoise

Mon intervention portera sur le parcours littéraire, spirituel et politique de ‘Od zer (plus connue en occident sous le nom de Woeser), jeune femme écrivain tibétaine d’expression chinoise née à Lhasa en 1966 d’un père métis sino-tibétain officier de l’Armée Populaire de Libération et d’une mère tibétaine appartenant à une famille de la petite aristocratie progressiste et maoïste du Tibet central. ‘Od zer s’est graduellement imposée sur la scène médiatique et littéraire internationale depuis que son recueil d’essais, Notes du Tibet, a été interdit de vente en RPC en 2003. C’est à partir de cet événement qu’elle affirme son militantisme civique, identitaire et littéraire, et que son exemple unique d’engagement pour la cause tibétaine à partir de l’intérieur de la RPC commence à faire la une de la presse internationale. Iil serait pour le moins réducteur de croire que l’intérêt de l’Å“uvre littéraire de ‘Od zer naît avec son activisme politico-littéraire et sa médiatisation. L’originalité et la qualité de ses textes précèdent largement son activisme et sa renommé internationale, son parcours de femme et d’artiste tibétaine est bien plus complexe et riche que ce que l’on pourrait croire. Mon intervention vise à mettre en lumière l’ensemble de l’Å“uvre de ‘Od zer, en mettant l’accent sur les caractéristiques les moins connues de son univers littéraire et les spécificités d’un cheminement artistique non linéaire qui s’est toujours nourri de sources et d’expériences plurielles.

19h00 — Conclusion