Journée d’études – La reconstruction des monuments et des communautés au Népal après le séisme de 2015

Mangal Bahdvar Caitya (Tashi Gomang). Avant le seisme et après la reconstruction. © David Andolfatto.

Charles Ramble accueille les participants.

Charles Ramble accueille les participants.

Bātiments endommagés qui n'ont toujours pas été démolis ou reconstruits depuis le séisme à Kathmandu. © Brigitte Steinmann.

Bātiments endommagés qui n’ont toujours pas été
démolis ou reconstruits depuis le séisme à
Kathmandu. © Brigitte Steinmann.

La Dharahara Tower (1833) après le séisme est devenue un symbole. © Michael Hutt

La Dharahara Tower (1833) après le séisme est
devenue un symbole. © Michael Hutt.

Maison construite selon les directives du gouvernement. © Blandine Ripert et Denis Blamont

Maison construite selon les directives du
gouvernement. © Blandine Ripert et Denis Blamont.

Le 22 novembre, le SEECHAC a organisé une table ronde intitulée « La reconstruction des monuments et des communautés au Népal après le séisme de 2015 ». La discussion, qui s’est tenue à la Maison de l’Asie, avenue du Président Wilson, s’est organisée autour de quatre présentations sur différents aspects de la reconstruction.

Dans la première présentation David Andolfatto (Université de la Sorbonne), a présenté une étude de cas dans le contexte d’un projet UNESCO incluant la fouille archéologique et la reconstruction d’un stupa du XVIIIe-XIXe siècle localisé à Svayambhu, dans la vallée de Kathmandu. Différentes découvertes scientifiques ont été faites à la suite de la catastrophe et Andolfatto a montré l’importance des recherches scientifiques dans les domaines de l’archéologie et de l’histoire. Des défaillances ont ensuite été relevées par rapport au projet UNESCO qui concernent principalement des choix de matériaux inappropriés et le manque de main d’oeuvre qualifiée.

Brigitte Steinmann (Université de Lille et CNRS) a souligné que le séisme de 2015, suivi de de nombreuses répliques, a provoqué des traumatismes durables; il a révélé et même accentué des fractures sociales importantes : quelques exemples d’enquêtes et d’interventions entre 2015 et 2019 dans la Vallée de Katmandou et les régions de Doramba, Ramechap, Rasuwa, Langtang, ont permis d’illustrer comment les choix dans la reconstruction d’écoles et de bātiments religieux en particulier, ont révélé les profondes différences entre interventions étatiques et associations privées. Les politiques foncières capitalistes urbaines bénéficient grandement du désastre grāce à la dette et à l’usure, et conduisent à l’abandon quasi intégral des populations les plus démunies.

Michael Hutt (SOAS, Londres), le troisième intervenant, a commencé par évaluer l’applicabilité du modèle «point critique vs statu quo accéléré» des conséquences des catastrophes (Pelling et Dill[2010]) au séisme de 2015. Il a ensuite décrit comment la tour de Dharahara, une structure du XIXe siècle dans le centre de Katmandou, est devenue l’icône de la catastrophe et de la détermination du pays à reconstruire. Il a ensuite résumé les thèmes récurrents du grand corpus de poèmes népalais sur le séisme publiés dans les trois mois suivant l’événement.

Après une contextualisation permettant de faire le point sur l’étendue des destructions et sur l’état de la reconstruction à partir des données nationales et des modèles architecturaux para-sismiques produits par la National Authority of Reconstruction, Blandine Ripert (CNRS) et Denis Blamont (CNRS) ont montré la diversité des situations sur le terrain à la frontière entre les districts de Nuwakot, Dhading et Rasuwa, à partir d’exemples tirés de 8 villages (3 000 maisons). La variation de l’ampleur des destructions s’explique par la géomorphologie des sols, la qualité des pierres, la disponibilité des matériaux et des techniques de construction qui diffèrent grandement d’un lieu à l’autre. L’avancée de la reconstruction varie également d’un village à l’autre en fonction des contraintes – naturelles, économiques, politiques – auxquelles se confrontent les villageois qui tentent de reconstruire leur habitat. Malgré une grande diversité des situations, on observe finalement une forte homogénéisation de l’habitat reconstruit selon les normes imposées par la NRA, qui reste peu adapté aux pratiques locales et qui modifie en profondeur l’organisation de l’espace de vie. Cela pose les questions de la temporalité et de la qualité de la communication gouvernementale, faite non d’informations mais de prescriptions, de l’adéquation de la réponse institutionnelle aux besoins locaux, de la compétence des acteurs de terrain et de la difficile collaboration entre l’État et ses administrations locales, les ONGs et les populations.