Plat sassanide égyptisant du Musée du Koweït.
par Frantz Grenet, (Samra Azarnouche).
Il s’agit de deux documents iconographiques qui ont l’un et l’autre la particularité d’être probablement liés à la conquête sassanide de l’Egypte (619-629).
A) Une pièce de soie de la Collection David (Copenhague)
Ce tissu acquis en 2011, pièce importée en Egypte ou imitation locale, n’a encore fait l’objet d’aucune publication spécifique. Il représente un roi sassanide trônant, portant une couronne d’un type connu sur les monnaies de Pērōz (457-484) et de Khosrow II (590-628). Il tient une fleur dans chaque main et son trône repose sur deux béliers entiers. Ces deux caractéristiques insolites dans les scènes de trône sassanide rappellent la fête du Bahār-jashn, la « Fête du Printemps », autrement dit le « Nowruz des Mages » institué sous Pērōz, qui correspondait initialement à l’entrée du soleil dans le Bélier et au cours duquel le roi recevait « les premiers fruits qui sortent des fleurs ».
B) Un plat sassanide égyptisant du Musée du Koweït.
Ce plat d’argent doré a été publié dans le catalogue Arts of the Hellenized East (Londres, 2015), où les scènes sont interprétées comme manichéennes. En réalité la totalité de l’iconographie renvoie à des motifs religieux égyptiens : Isis-Tychè tenant la rame, avec au-dessus des sacs de blé charriés dans un bateau évoquant probablement le Navigium Isidis ; le nilomètre et les petits garçons qui inscrivent la cote, mais ici dissociés du motif architectural, Sérapis, Isis-Hathor, la végétation et la faune nilotiques. Cependant le style et la technique d’exécution sont ceux des plats royaux de la période sassanide moyenne et tardive. Il est clair que l’Å“uvre a été exécutée en Iran d’après des cartons transmis depuis l’Egypte et recombinés de manière illogique.
Ce plat présente de fortes analogies avec celui figurant le Triomphe de Dionysos (Musée Historique de Moscou). Par sa composition d’ensemble, son sujet exotique, la célébration des produits de la terre (blé dans un cas, vigne dans l’autre). On propose de les rattacher à un même cycle de propagande célébrant les conquêtes de territoires byzantins sous Khosrow II, avec le thème de l’appropriation des produits du sol bien attesté dans l’idéologie royale iranienne depuis les Achéménides.